Aller au contenu principal

Acouphène


Ancien soldat de l’armée israélienne, Pini est revenu de la première guerre du Liban avec d’insupportables sifflements dans les oreilles. Et avec un souvenir dont la véracité lui échappe : a-t-il, ou n’a-t-il pas, là-bas, tiré sur un enfant ? A-t-il tué cet enfant, dont l’image de la mort le hante et le poursuit ? Et la rencontre – aux portes du camp de Chatila puis dans la poussière du désert – avec un Jean Genet qu’il n’identifie pas, dont il ne sait rien, et qui le prend pour un autre… l’a-t-il rêvée ? écrite ? inventée ?

Que deviennent le souvenir, la vérité, le réel dans la guerre ? Sait-on jamais ce qu’on y a vécu ?

Du théâtre des opérations aux bras de la mère, des rues assiégées de Beyrouth au divan de la psy, Emmanuel Pinto cherche, creuse, enquête et interroge la position du témoin – actif ou observateur. En dialogue permanent avec la parole et l’oeuvre de Jean Genet, il nous entraîne dans sa chambre obscure où se mêlent fantasme, réalité et fiction, et compose une symphonie à plusieurs voix pour un enfant défunt, celui qui repose en chacun de nous, mais plus encore chez celles et ceux qui ont à affronter la guerre et ses morts.

février, 2012
11.50 x 21.70 cm
224 pages

Laurent COHEN

ISBN : 978-2-330-00223-7
Prix indicatif : 22.40€



Où trouver ce livre ?

L'acouphène matérialise surtout la mémoire douloureuse et persistante du massacre de Sabra et Chatila, perpétré le 18 septembre 1982 par les phalangistes chrétiens sans que les forces d'invasion israéliennes présentes alors à Beyrouth interviennent. Pini, obsédé par l'idée d'avoir tiré sur un enfant armé d'un lance-roquettes RPG au Liban sud, va être frappé de folie devant Chatila.

Mais à partir de cette tache indélébile sur l'histoire d'Israël, Emmanuel Pinto va tenter de créer un espace de cohabitation, au moins textuel. En un véritable coup de force, il ouvre en effet un dialogue post mortem avec un Jean Genet qu'il admire, l'écrivain dont Sartre convenait qu'il était antisémite et qui voyait les fedayins en modernes héros d'Homère.

L'archi-texte qu'Emmanuel Pinto cherche à investir, c'est évidemment le reportage que Genet rapporta de son séjour à Beyrouth en compagnie de Leïla Shahid et qu'il publia en janvier 1983 sous le titre "Quatre heures à Chatila" dans la Revue d'études palestiniennes ; c'est aussi son livre posthume Un captif amoureux (Gallimard, 1986). D'une certaine manière Acouphène est le palimpseste de ces deux livres de guerre. La fusion s'opère d'abord à travers le style, où le phrasé et les thématiques de Genet, son goût pour l'érotisme de la violence, la présence obsédante du corps et du sexe masculin se retrouvent, mais habités par des références venues de l'univers juif pratiquant où a baigné l'auteur. (…)

Ni apologie ni demande de pardon, elles ne plaident pas non plus pour une fraternisation sur le champ de bataille. Elles ne plaident pour rien d'ailleurs, sinon pour une accolade dans ce que tous peuvent partager : la souffrance.

Le Monde des livres

Très beau roman sur « l’expérience intérieure » de la guerre, extrêmement bien écrit. On navigue entre réalité, poésie et fantasme au fil du récit. Emmanuel Pinto nous fait toucher d’un doigt léger, sans jamais tomber dans le sordide, une réalité qui pourtant l’est. 

Aurélie Carton, La Chronique d’Amnesty International

Multipliant les points de vue, l’auteur confronte sa mémoire avec la parole et l’œuvre de l’écrivain français propalestinien : d’un côté, un soldat traumatisé qui jure ne se souvenir de rien, de l’autre, un écrivain qui se promet de se souvenir de tout. Les deux mentent mais, à travers ce dialogue recréé par la littérature, c’est toujours le même monologue intérieur, obsessionnel et sans concessions qui interroge de façon troublante la position du témoin, pour mieux l’exorciser

Anne Berthod, La Vie

Du même auteur