Lorsqu’il découvre le meurtre de sa femme, Wahhch Debch est tétanisé : il doit à tout prix savoir qui a fait «ça», et qui donc si ce n’est pas lui ? Éperonné par sa douleur, il se lance dans une irrémissible chasse à l’homme en suivant l’odeur sacrée, millénaire et animale du sang versé. Seul et abandonné par l’espérance, il s’embarque dans une furieuse odyssée à travers l’Amérique, territoire de toutes les violences et de toutes les beautés. Les mémoires infernales qui sommeillent en lui, ensevelies dans les replis de son enfance, se réveillent du nord au sud, au contact de l’humanité des uns et de la bestialité des autres. Pour lever le voile sur le mensonge de ses origines, Wahhch devra-t-il lâcher le chien de sa colère et faire le sacrifice de son âme ?
Par son projet, par sa tenue, par son accomplissement, ce roman-Minotaure repousse les bornes de la littérature. Anima est une bête, à la fois réelle et fabuleuse, qui veut dévorer l’Inoubliable.
« J'AIME ÉCRIRE DES DÉBUTS DE ROMANS SANS LENDEMAIN. Peut-être parce que les récits naissants portent encore en eux leur promesse de puissance. Commencer pour s’arrêter quelques lignes plus loin est une manière de cogner le silex. La flamme ne jaillit pas du premier coup.
Pourtant, voici une dizaine d’années, une voix a surgi. Au-delà de ce qui était raconté, ce qui m’a happé fut cette voix qui disait je. Cela n’était pas moi. Arrivant au bout du chapitre, je comprends, sans que cela ait été prémédité, qu’il s’agit d’une voix animale. Un homme, rentrant chez lui un soir après le travail, découvre sa femme sauvagement assassinée, étendue dans son sang, au milieu du salon. Un chat, leur chat, leur animal domestique, raconte la macabre découverte et l’évanouissement de l’homme. Au second chapitre, des oiseaux à la fenêtre de sa chambre d’hôpital tiennent la suite du récit.
J’ai poursuivi.
Anima est sorti du brouillard au fil des ans. Le temps fut nécessaire pour me permettre de voir et d’entendre ce qui s’y murmurait. Tant qu’il n’est pas conjugué, un verbe reste un infinitif. Seule sa fusion avec un sujet précis dans un temps donné le rend actif. Ainsi, ce roman me demandait de conjuguer un infinitif enfoui quelque part en moi. Il m’encourageait à marier entre elles les lignes de crête qui séparent et délimitent les mondes qui me portent : l’animal et l’humain, l’ici et l’ailleurs, les guerres d’aujourd’hui et celles d’hier, et la géographie nouvelle qui me renvoie sans cesse vers une autre géographie, terrible, effroyable. Certains êtres sont stratifiés de mondes lacérés, de terres déchirées, séparées en deux, plaques tectoniques de douleurs, exilées pour toujours l’une de l’autre, exilées de la parole, condamnées au silence et que rien ne saura jamais colmater sauf la dérive des continents qui les fera un jour se rejoindre à leurs antipodes. »
Wajdi Mouawad
septembre, 2012
14.50 x 24.00 cm
400 pages
ISBN : 978-2-330-01263-2
Prix indicatif : 23.00€
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Anima est un long poème de bruit et de fureur qui, dans un lyrisme sombre, réanime et réenchante un univers en deuil pour, le temps d’une fin fictionnelle, faire surgir du sang la possibilité d’un monde réconcilié.
Là, le souffle de la prose tragique de Wajdi Mouawad se révèle romanesque, indéniablement.
Le plus grand dramaturge Wajdi Mouawad nous offre avec Anima un roman qui ressemble à ses pièces, tant par le souffle, les thèmes, la profusion baroque, que par l’émotion puissante produite. (…) Le lecteur, dans un violent scintillement poétique, finit par éprouver la sensation que l’œil de l’abîme le contemple. Une langue protéiforme au lyrisme effervescent. Terrible et magistral.
Une fascinante expérience de lecture.
Les approches se complètent, se répètent ou se contredisent, l’action évolue de manière très subtile, et l’ensemble devient proprement fascinant et bouleversant. Terriblement puissant.
C’est un livre terrible mais nécessaire. (…) La narration est étonnante. A chaque chapitre, un animal prend la parole pour exprimer la bestialité humaine. Ce roman-labyrinthe repousse les limites de la forme littéraire entre roman et théâtre. C’est un Minotaure.
On ne sortira pas tout à fait indemne de ce grand et magnifique livre en forme de tourment lancinant.
Habitée d’une étrange poésie, cette somptueuse cavalcade épique révèle la part animale tapie dans l’homme. Wajdi Mouawad, l’homme de théâtre, choisit le roman. Il y condense ses obsessions, célèbre l’immensité des ciels et des forêts et s’interroge sur l’origine de la violence.
Wajdi Mouawad signe un très beau roman.
Il confisque la parole aux hommes pour la donner aux animaux. Radical.