Avez-vous déjà remarqué comme, parfois, garder le silence est le meilleur moyen de faire parler les autres ? C’est ce que révèle Banc, en surgissant de nulle part dans une petite ville américaine. Banc qu’on affuble de ce sobriquet comme on nomme un chaton trouvé, par le lieu de son apparition : un banc d’église, pendant le
culte du dimanche. Parce que Banc se tait, ne ressemble à personne, rien ne permet de l’identifier – ni âge, ni sexe, ni race, ni statut (victime ? réfugié ? fuyard ?). Et ce flottement jette un trouble profond sur la communauté pourtant mobilisée pour l’accueillir. Au fil d’une semaine qui monte en tension vers l’inquiétante Fête du Pardon, chaque rencontre vire à l’interrogatoire et chaque interrogatoire s’inverse, où chaque adulte se confie, dessinant les contours d’une société bâtie sur la culpabilité et le terrifiant souci “d’avoir bon”, d’être juste, tout en protégeant les siens.
Inoubliable voix de Banc – car à nous lecteur, la voix parle : c’est elle qui raconte, depuis l’intérieur d’un corps qui l’enferme et l’embarrasse, cette Amérique contemporaine confite dans sa religiosité bricolée. Elle dit le totalitarisme des apparences, les ambiguïtés de la bienveillance, la sourde violence des injonctions sociales, de l’impulsion de définir. Roman ovni pour personnage alien, "Banc" dit surtout la défiance et, avec une originalité radicale, une subtilité rare, l’effet de l’introduction de l’Autre, de l’Ailleurs… de la liberté dans l’intimité d’une époque verrouillée : une terreur blanche et calme.
avril, 2022
11.50 x 21.70 cm
240 pages
ISBN : 978-2-330-16408-9
Prix indicatif : 22.00€
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Catherine Lacey opère une méticuleuse articulation entre l’intériorité d’un personnage et son environnement, de plus en plus hostile, qui l’exclut et le culpabilise de ne pas correspondre à ses normes. La force du texte tient à la marginalité indéfinie du personnage. Banc pourrait être un exilé, une trans, un ou une outsider.
Banc incarne l’impossible rencontre, l’altérité qui fragilise les habitudes et les croyances les mieux ancrées. Par-delà les sourires convenus, les écrans vides et les jardins parfaitement entretenus, c’est le portrait d’une Amérique à bout de souffle, empreinte de bien-pensance et de religiosité moribondes, qui se lézarde sous la plume grinçante de Catherine Lacey. Un roman radical à l’atmosphère lynchéenne. Un ovni littéraire reflétant l’absurdité de nos comportements prétendument civilisés. Un remède tout indiqué au déferlement insipide de littérature feel-good.
Le livre de Lacey est une fable philosophique dans l’étouffoir rigoriste du Sud. Dans une langue sinueuse, l’écrivain alterne une profonde douceur et de brusques saillies.
Entre Don DeLillo et Beckett, Catherine Lacey déploie un univers très original, marqué par son enfance religieuse. L’une des voix les plus prometteuses de la littérature américaine.
L’auteure, dont la plume est addictive et corrosive, signe un roman sur l’altérité et l'identité que l’on peut qualifier d’ovni. Volontairement en rupture avec certaines conventions littéraires, cet ouvrage réussi parle avec subtilité et originalité de la fausse bienveillance, de l’absurdité des injonctions sociales et de certains agissements, soi-disant guidés par de bonnes intentions.
Les personnages de Catherine Lacey sont des marginaux existentiels. Par tous les moyens, ils cherchent à s’émanciper de ce corps et de cet esprit qui les encombrent, à se désengluer d’un monde dont ils ne comprennent ni n’acceptent les règles. Tel Banc, le narrateur, surnommé ainsi par la communauté baptiste d’une petite ville du sud des États-Unis qui l’a découvert endormi sur un banc de leur église. Banc, qui ignore tout du péché et de la culpabilité et que rien n’incline à s’intégrer à une telle communauté, préférera prendre le large. Tel un messie dépité par l’incurable petitesse des hommes.
Au-delà d’un trouble dans le genre, Banc opère une catharsis. En résulte une écriture souple, vaporeuse, qui s’étire sur plusieurs plans, du monologue intérieur au roman choral, et un livre virtuose : la présence du personnage de Banc, personnage neutre, divin, absolument littéraire, est si résonnante que l’on se passe, en effet, de le situer. À la fin, Banc semble se dissoudre dans l’air et les mots : « Le ciel se tait. II ne nous a jamais distingués les uns des autres. L’air avec lequel nous parlons nous est prêté. Le ciel semble être bleu et avoir une extrémité. Ce n’est qu’une impression. » La légèreté a été atteinte, sans confession.
Troisième roman de Catherine Lacey, Banc est une fable subtile et troublante, qui nous évoque tantôt les frictions avec la société de Robert Walser ou ce pas de côté du Bartleby de Melville face à la machine du travail. Heureux les indéfinis et ceux qui renâclent car ils échappent à toute récupération aliénante ?
Un contraste puissant émerge, entre l’évidence avec laquelle le personnage impose au lecteur sa voix et sa singularité, et la frénésie classificatrice que lui imposent ses congénères. Ce qui fait du roman autant une fable poétique qu’une satire implacable de la générosité sélective de l’Amérique contemporaine, qui n’offre son aide qu’à ceux qui obéissent à ses injonctions.
Catherine Lacey a imaginé un conte intemporel où pourtant les artefacts de notre société contemporaine, jamais désignés, apparaissent. Elle signe un livre sur l’incommunicabilité, mais paradoxalement très bavard entre télés braillardes, perroquets logorrhéiques, confessions des uns et des autres qui impliquent un grand soin de lecture tant sa prose minutieuse contient des détails psychologiques et des visions.
Le New Yorker a résumé joliment la beauté singulière de l’œuvre romanesque de Catherine Lacey : « l’art de l’énigme. »
Banc est une fable troublante, qui nous évoque tantôt les frictions avec la société de Robert Walser tantôt ce pas de côté du Bartleby de Melville face à la machine du travail. Heureux les indéfinis car ils échappent à toute récupération aliénante ?
Un roman vraiment dérangeant qui débusque l’informulé en nous.