Moi l’enfant loup, lion, chat ou singe, moi la bête et la belle, moi Madeleine Gonzalès, je suis un être réel sans historiographe et une créature de conte sans auteur, je suis une image et veux oublier que
je suis morte ; alors je dois me raconter moi-même afin d’incarner mon portrait en pied à l’âge de huit ans.
« TOUT À COMMENCÉ dans le château tyrolien où j’ai souvent regardé le portrait de la petite Madeleine Gonzalès, somptueusement vêtue malgré son visage pelu. J’ai longtemps ignoré qu’elle était sans doute née à Paris dans les années 1570 et morte en Italie après 1640. Et puis j’ai lu le peu qu’on savait vraiment sur elle et les autres membres de sa famille frappés d’hypertrichose : si peu que je me suis senti libre de la laisser raconter sa vie à ma façon et devenir la princesse qu’elle aurait rêvé d’être.
À travers la fiction, j’ai souhaité néanmoins restituer la réalité d’une époque pleine d’humanité et de bestialité à la fois, comme l’est le portrait de Madeleine. J’ai donc fait naître celle-ci lors du massacre de la Saint-Barthélemy et lui ai infligé la peste à Paris puis l’ostracisme à Parme, où lui a été imposé un singulier mariage. Mais tout en voyant dans sa mère glabre une femme distante, j’ai voulu le bonheur de mon héroïne en lui donnant un père aussi adoré que velu et en lui accordant le privilège d’être dessinée devant Catherine de Médicis. Je lui ai offert en outre une relation presque filiale avec Ambroise Paré, qui n’était pas seulement le chirurgien des rois et dont l’écriture si voluptueuse m’a inspiré. Madeleine, elle, mêle juste un peu de ce français-là au nôtre.
Monstre ou pas, mon « infante sauvage » ? C’est au lecteur de trancher. Mais qu’elle soit prisonnière de son tableau ou qu’elle traverse son existence, elle demeure à mes yeux une enfant monstrueuse par sa précocité plus que par son pelage, et je me suis tellement attaché à elle que j’ai souvent repoussé le dénouement de cette histoire. Aujourd’hui, il me reste son image.”
M. P.
janvier, 2023
10.00 x 19.00 cm
224 pages
ISBN : 978-2-330-17388-3
Prix indicatif : 22.00€
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Variation autour de la notion de monstre, ce roman fascinant questionne la différence, le rejet et l’étrangeté de la condition humaine.
Mario Pasa compose la biographie romanesque de Madeleine Gonzalès, frappée d’hyperpilosité comme son père, le « sauvage » du roi de France Henri II.
Dans ce singulier roman joliment écrit, Mario Pasa mêle habilement fiction et faits avérés pour livrer une belle réflexion sur la différence.
Écrivain érudit, Mario Pasa reconstitue l’étrange destin de Madeleine la velue.
Porté par une écriture délicieuse, cet excellent roman historique nous immerge dans une époque fascinante, tout en interrogeant notre rapport à la différence.
Avec la précision d’un botaniste et dans une langue Renaissance, il remonte le fil des siècles et donne la parole à cette enfant monstrueuse tant par son pelage que par sa précocité. Un texte érudit et singulier qui nous invite aussi à accueillir à bras ouverts la différence.
Étrange entreprise, pourrait-on penser, de faire parler un tableau un peu oublié exposé au château d’Ambras, dans le Tyrol, pour redonner corps à cette présence muette, magnétique, presque menaçante, potentiellement fantastique… Quelle vérité trouverons-nous en effet dans ce récit à la première personne ? N’est-il pas, au fond, de pure imagination ? Ce doute participe au charme du livre, extrêmement documenté sur une époque qu’il parcourt d’une écriture élégante, presque coquette, pour interroger le surgissement supposé du sauvage dans un univers policé, tout en étiquette et raffinement d’étoffes.