En 2003, un quotidien israélien, Haaretz, révèle qu’en août 1949 des soldats ont kidnappé, violé collectivement, puis tué et enterré une jeune bédouine du Néguev. Un crime qui s’inscrit dans la lignée des massacres commis à cette époque charnière pour terrifier ce qui restait des habitants de cette zone désertique.
Soixante-dix ans plus tard, Adania Shibli s’empare de cet “incident” dans un récit qui s’articule en deux temps nettement marqués. La première moitié relate le déroulement du crime avec une objectivité quasi chirurgicale. Elle met en scène deux personnages principaux : un officier israélien anonyme, maniaque de l’ordre et de l’hygiène, qui envahit les pages de sa présence hypnotique, et sa victime, comme lui jamais nommée. La seconde partie est narrée à la première personne, sur un ton très subjectif et ironique, par une Palestinienne d’aujourd’hui, obsédée par un “détail mineur” de l’incident : le fait qu’il se soit produit vingt-cinq ans jour pour jour avant sa naissance. Bravant les obstacles imposés par l’occupant, elle parvient à se rendre dans le Néguev dans l’espoir d’exhumer le récit occulté de la victime. Mais la détective en herbe ne tardera pas à tourner en rond…
Longuement mûri, ce roman décapant dénonce en peu de pages, au-delà du contexte israélo-palestinien, le viol comme banale arme de guerre, et aborde subtilement le jeu de la mémoire et de l’oubli.
novembre, 2020
13.50 x 21.50 cm
128 pages
ISBN : 978-2-330-14209-4
Prix indicatif : 16.00€
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Un roman concis, violemment mûri, qui flétrit le viol comme arme de guerre et donne à penser sur l’oubli de l’horreur.
Le diptyque imaginé par Adania Shibli se révèle être construit en miroir. Mais un miroir sélectif, qui réfléchit l’essentiel de manière furtive, souterraine, impressionniste. Les deux histoires s’éclairent l’une l’autre avec leurs ombres et leurs non-dits, sachant que dans ces régions la pleine et éclatante lumière suscitent des mirages – le mot ouvre et referme à peu de chose près le roman. Adania Shibli a répondu là de façon subtile et puissante aux questions littéraires et politiques qu’elle s’est posée. Un détail mineur a la force de l’inéluctable.
Tout est, en vérité, matière à réflexion, dans ce roman décapant, traduit d’une façon limpide et qui se lit d’une seule traite.
On sent dans ce court roman percutant le vertige physique au bord du puzzle géographique, la chaleur intense, la peur au ventre et l’autodérision salvatrice.
Magistral roman admirablement construit et écrit d’une plume précise, efficace, clinique.