Angela Merkel essuie une larme. Les populistes viennent de remporter les élections. Le Frexit a suivi le Brexit, et l’ONU est sur le point d’être dissoute. La démocratie libérale a vécu. Gagnés par une forme d’apathie post-démocratique, la plupart des citoyens allemands de la classe aisée se détournent
de la question publique et se recentrent sur eux-mêmes. Parfaits représentants de ce nouveau nihilisme aussi désabusé que pragmatique, Britta Söldner et son associé Babak Hamwi ont, derrière la façade d’un cabinet de coaching psychologique spécialisé dans la prévention du suicide, fondé Le Pont, une entreprise florissante qui vend à des organisations terroristes des candidats kamikazes.
Lorsqu’un attentat-suicide secoue la ville de Leipzig, Britta comprend qu’elle n’est plus seule sur ce nouveau marché. Bientôt la précieuse base de données du Pont est dérobée. Britta sait qu’elle est prête à tout pour préserver son juteux business. Ce qu’elle ignore, c’est la détermination de ses adversaires.
Dystopie post-démocratique en forme de thriller haletant, "Coeurs vides" est un roman effroyablement contemporain, décrivant un avenir dépolitisé et nihiliste, qui a renoncé à toute empathie.
mars, 2022
13.50 x 21.50 cm
288 pages
ISBN : 978-2-330-16405-8
Prix indicatif : 22.50€
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L’écriture froide de Juli Zeh, tout en indignation contenue, claque ici comme un fouet sur les ridicules de nos décors les plus intimes, rejoignant une tradition littéraire allemande moquant les « philistins » (les bourgeois matérialistes et sans éducation). Dans cet ouvrage comme dans les précédents, on sent, sous la sobriété du style et le classicisme du récit, l’inspiration de Robert Musil (1880-1942), dont l’autrice se réclame depuis le livre qui l’a rendue célèbre La Fille sans qualités, (Actes Sud, 2007). Comme Musil, elle décrit à merveille la mécanique tournant à vide à quoi se réduit la modernité.
Le ton de cette fiction emprunte, on le voit, à l’art du pamphlet autant qu’au roman noir, sans jamais sacrifier le récit, bien mené.
Juli Zeh pointe ici, entre farce inquiétante et thriller d’anticipation, l’insoluble contradiction d’une société qui s’échine à humilier et broyer des citoyens qui, en conséquence, se retourneront fatalement contre elle.
L’allemande Juli Zeh fait dans le roman noir (très noir) grâce à ces Cœurs vides, et imagine une dystopie politique lugubre et salissante qui tire à boulet rouge sur nos sociétés gangrénées.
Cœurs vides interpelle par son scénario moins aberrant qu’il n'y paraît. Un nouveau récit des illusions perdues qui invite à questionner les choix d'aujourd’hui qui déterminent notre avenir.
Juli Zeh est la sombre moraliste de notre époque. Ce nouveau roman de Juli Zeh est bien un conte dystopique qui pousse aux extrêmes les tendances actuelles de nos sociétés devenues hyper-individualistes et apathiques.
Avec Cœurs vides, Juli Zeh s’attaque à la défiance que nourrissent les citoyens du XXIe siècle vis-à-vis de la démocratie.
Cœurs vides est loin d’être seulement un divertissement. C’est le roman de nos temps désabusés, un de ces livres qui dérangent tant ils sonnent juste. Et Juli Zeh nous livre au détour de ses pages des passages magnifiques, servis par la traduction fluide de Rose Labourie.
Son grinçant apologue se vêt des atours du thriller pour dénoncer les dérives qu’ouvre un jeu électoral rouillé. Tout le roman s’interroge sur la capacité à retrouver une morale individuelle et collective, quand le monde semble avoir perdu son sens. Rarement la réponse de l’autrice - dont la plupart des romans expriment la crainte du chaos - a été aussi pessimiste...
Juli Zeh ausculte, froidement, un univers gangrené par la dépolitisation et l’égoïsme des plus nantis. Toute résonance avec l’invasion russe en Ukraine ou la montée de l’extrême droite n’étant, dans ce cas-ci, absolument pas fortuite.
Véritable fable cynique, Cœurs vides distille au fil des pages une critique subtile de la société de consommation à travers la vie millimétrée de Britta mais aussi la foule de patients qu’elle reçoit, tous désespérés. Servie par une écriture toujours fluide, sobre et lumineuse, cette critique sociale se lit comme un thriller, le talent de Juli Zeh en prime.
Une dystopie bien rythmée, à l’écriture froide et factuelle.
On est en 2025, et l’Allemagne vit sous un régime d’extrême droite. Depuis Berlin, le CCC, le Comité des citoyens concernés, dirige à coups de « packs d’efficience », sécuritaires et inégalitaires, dont les échos parviennent amortis aux personnages du roman. Comment vivre en autocratie, quand on appartient à un groupe social qui n’est pas particulièrement visé par le régime ? La fuite semble ici le meilleur moyen, l’autruche un totem. Juli Zeh n’est pas comme ses personnages, partisane de la fuite.
Écrivaine située à gauche, elle sait prendre position, notamment sur les restrictions de liberté. Avec Cœurs vides, qui fait suite au très attachant Nouvel An, plus intimiste, elle lançait en 2017, date de parution du livre dans son pays, un avertissement à une Allemagne traumatisée par la montée du parti d’extrême droite AfD.
Juli Zeh signe ici un roman dystopique grinçant, provocateur, à l’écriture directe à la manière d'un polar. Son récit met en garde contre l'apathie démocratique qui guette nos sociétés libérales anesthésiées par le désir de consommer.
La fable anticipe ce qui pourrait advenir dans un futur pas très éloigné : elle mérite donc d’être lue puisque l’échéance est à nos portes. Avec ce roman, dont l’écriture simple et directe est bien rendue en français, elle confirme avant tout ses qualités de romancière à l’imagination fertile. Violence, peur, poursuites, retournements inattendus : tous les ingrédients du thriller sont là. Juli Zeh, considérant les évolutions de la société, met en garde ceux qui se replient sur leur confort personnel, qui se désintéressent de la vie publique et n’exercent plus leurs droits civiques.