Venue au Mauduit, petit village de Franche-Comté, au motif officiel d’obtenir de la mairie l’autorisation, pour ses étudiants en sociologie, de consulter les archives communales de cette si banale petite bourgade française, la narratrice, hantée par la sombre énigme de son propre passé familial, ignore qu’elle va y faire une rencontre décisive en la personne de Lottie, solide et intimidante nonagénaire, désormais seule occupante de la vaste demeure des Ardenne, construction aussi baroque qu’extravagante édifiée sur des terres de mauvaise assise dans un méandre de la rivière qui coule en contrebas du bourg.
Soir après soir, la vieille dame qui, faute d’hôtel au village, accepte de loger la visiteuse, dévide pour elle l’histoire du domaine où elle est entrée comme bonne d’enfant à l’orée du xxe siècle. Mais faut-il la croire sur parole, elle qui dit n’être que la récitante des fantômes qui ont jadis habité ces murs, ou sont partis vers l’Afrique, le Tonkin ou les forêts du Yukon ? Et que faire du récit de cette conteuse acharnée qui, sans avoir jamais quitté sa campagne, rêve peut-être à haute voix quelque exotique roman de la filiation dont elle contraint la narratrice à devenir la dépositaire ?
Où les histoires prennent-elles source et où vont-elles une fois racontées ? La narratrice, écoutant la vieille Lottie, devine-t-elle en quoi celle-ci va éclairer son propre destin ? Car les récits ni les contes ne sont d’inoffensives machines et leurs puissants sortilèges s’entendent à recomposer jusqu’à la matière même du temps.
“Au départ serait le domaine des Ardenne, une maison d’ombre bâtie sur de mauvaises terres au fond d’un vallon, près d’une rivière. La très vieille Lottie y accueillerait un soir ma narratrice, mais cela ne commence pas là. Au départ, ce serait un jour d’août 1904 où Lottie enfant a vu, comme un signal du monde parallèle, passer sur le chemin une créature à deux têtes, et des nuages, pareils à ceux d’une lointaine vallée du Klondike.
Mais faut-il croire sur parole cette récitante, randonneuse de pages et arpenteuse d’Atlas, qui dévore les livres de la bibliothèque ; sait-elle où naissent les histoires ? Au long des veillées près de sa cheminée, sa visiteuse l’écoute. Peutêtre est-elle venue chercher quelqu’un d’oublié dans les archives et au cimetière du bourg, son père ou un jeune homme assassiné, mais il est déjà trop tard : les fantômes du passé et de l’avenir rappliquent, leur destin s’intrique au sien car, dit Lottie, même écrit sur du vent, c’est le récit qui l’emporte.
Pourtant, rien ne coule de source ni dans le bon sens, comme le feraient croire la petite nymphe en bronze d’un encrier, la photo enneigée d’une cabane en rondins ou le camée volé à une morte aux yeux exorbités : non, cela ne commence pas là. Plutôt en Afrique ou au Tonkin, au fond d’un coffre à jouets, dans un conte des forêts, inventé par amour d’une orpheline ; ou dans les lettres d’un infirme par sa faute, qui se fit prospecteur de la langue inconnue en laquelle les hommes se parlent…
Des uns aux autres, j’écoute voyager le récit mais est-ce une fin ou un commencement ?’’
A.-M. G.
août, 2015
14.50 x 24.00 cm
384 pages
ISBN : 978-2-330-05318-5
Prix indicatif : 21.80€
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Anne-Marie Garat a toujours fait preuve d’un solide souffle romanesque.
La revoilà en grande forme avec La Source.
Dès le début, le lecteur est pris dans un tourbillon.
L’écriture d’Anne-Marie Garat est un fleuve, une mélopée.
Avec son style lancinant, son art du détail et de l’ouvrage, l’auteur d'Aden (Seuil, 1992, prix Femina et Renaudot des Lycéens, repris chez Points) nous prend par la main. Elle nous plonge dans les méandres d’un roman où il fait bon se lover. Cette Source qui ouvre la porte sur un monde perdu qui a gardé tout son éclat.
Ce qui frappe toujours d’emblée chez elle, c’est sa langue. Sa manière de dompter une prose riche et sinueuse, dont elle tire le meilleur effet.
Anne-Marie Garat est une romancière généreuse, envoûtante.
La revoici en librairie avec un grand cru, La Source, où l’on retrouve toute sa magie narrative. La scène inaugurale est à elle seule un morceau de bravoure.
Le geste d’Anne-Marie Garat est ample, envoûtant.
Il est question dans ces pages lumineuses de secrets de famille et de cadavres dans le placard. D’histoires qu’on n’oublie jamais et d’histoires réinventées.
Le tout est orchestré par une romancière qui n’oublie jamais de soigner son décor, ses paysages, à mesure qu’elle prend un malin plaisir à entretenir le suspense.
Quel plaisir de goûter une prose recherchée mais sans affèterie, ambitieuse et pourtant familière, d’une énergie follement communicative, rédigée avec un bonheur d’invention que le lecteur partage d’emblée !
Anne-Marie Garat ferre dès la première ligne, par la grâce d’une langue qui mêle archaïsmes et veine populaire, à la manière d’un duc de Saint-Simon des champs, des rivières et des sentiers.
Ajoutez à une telle félicité stylistique un art consommé de nous tenir en haleine à travers les souvenirs et les impressions, les découvertes et les confidences d’un personnage d’anthologie : Lottie.
Une histoire aux mystères généalogiques haletants »
Dans ce texte si accompli qu’il prend une dimension récapitulative, l’auteur campe au sommet de son art d’allier l’intellect et l’organique, le rêve et la substance, le palpable et l’envoûtant.
La Source entérine le formidable talent de conteuse de la romancière qui tisse un dialogue puissant entre une nonagénaire et une professeure de sociologie.
Au fil de récits familiaux captivants, Anne-Marie Garat fait se répondre mémoire et mensonges dans le plus trépidant des dialogues.
Dans une ambiance de conte digne des Mille et une nuits, son roman, sensible et maîtrisé, porté par son écriture foisonnante et poétique, se délie sous le parrainage de grands auteurs tels que Flaubert ou Giono.
Magnifique roman.
Magnifique roman d’Anne-Marie Garat, qui nous accompagne vers un retour aux sources de nos histoires personnelles et collectives, traces lointaines de nos origines.
Anne-Marie Garat nous fait remonter le temps par le travers, nous invitant à un voyage flottant dans l’ensorcellement de son récit comme dans les formes fugaces, évasives et fuyantes des nuages dans le ciel.
Le « Il était une fois » des contes reprend du service sous la plume d’Anne-Marie Garat (…).
Chez Anne-Marie Garat, la littérature feuillette le temps.
Un livre à tiroirs captivant qui renoue avec les romans feuilletons du XIXème siècle, avec un vrai souffle romanesque servi par un grand style. Un très gros coup de cœur de cette rentrée.
C’est encore un monde perdu qu’évoque « La Source », une traversée du siècle dernier, à travers l’histoire de quelques femmes, de leur chagrin, de leur courage.
Fresque familiale dans laquelle se font entendre les fracas d’un siècle meurtrier, roman des origines, récit d’aventure parsemé de clins d’oeil littéraires ( Giono, Conrad, Perrault) et cinématographiques (Welles, Chaplin)…La Source est tout cela. Mais il est surtout, à l’aune de l’envoûtement qu’il provoque et qui perdure bien au-delà de la lecture, un formidable témoignage du pouvoir de la fiction (...). Vaste Fresque romanesque ou opuscule poétique, chaque livre d’Anne-Marie Garat est une profession de foi dans le pouvoir magique de la littérature et la puissance « chamanique » des mots.
Le style ample somptueux comme la Flane, la rivière du Mauduit, déroule ses longues phrases envoûtantes. Ce gros roman ne se dévore pas. Il se déguste et on y revient comme on remet ses pas dans ceux de son enfance.
Mieux vaudrait ne pas essayer de résumer ce grand et beau livre. D’abord pour garantir au lecteur le plaisir d’en découvrir chemin faisant les énigmes et leurs résolutions. Ensuite parce que la densité de son tissu et le raffinement de sa composition excluent toute réduction. Parvenu à la dernière page, le lecteur éprouvera le désir de relire le livre entier, pour en identifier toutes les mailles et tous les échos, et pour redoubler son plaisir.
Conteuse inlassable, Anne-Marie Garat est notre Schéhérazade. (…) La nuit sera longue et le plaisir, infini.
Anne-Marie Garat qui passe des formats minuscules aux trilogies en pavés, a le souffle large et poétique des forêts du Grand Nord qu’elle évoque ici. (...) La sourcière, c’est elle, avec ce talent rare des atmosphères, des détails minuscules et photographiques, et ce stéthoscope sur le cœur des vieilles maisons.
Anne-Marie Garat (…) revient aux origines du roman. On quitte à regret son royaume enchanté.