Si l’on connaît le prestigieux prix qui porte leur nom, que sait-on réellement des frères Goncourt ? De leur vie – cette année marque le bicentenaire d’Edmond –, de leur œuvre ?
À plus de trente-cinq ans, Jules, cadet le plus versé dans les arts, est frappé par les premiers symptômes de la syphilis, contractée une décennie plus tôt dans une maison close. La relation fusionnelle que les deux frères entretiennent et l’amour éperdu qu’ils se portent vont conduire Edmond, l’aîné, à nier l’évidence : l’aphasie gagne peu à peu Jules, jusqu’à l’inéluctable.
Terrible ironie du sort, c’est donc dans sa chair que Jules va vivre une décrépitude qu’Edmond et lui se seraient complu à décrire dans l’un de leurs romans naturalistes – trempés de ce « réalisme du ruisseau » qui émerveilla tant Zola, et selon lequel rien ne doit être dissimulé.
En décrivant lui-même cette lente agonie avec délicatesse et cruauté, Alain Claude Sulzer prend en quelque sorte la place du romancier qu’Edmond, désespéré, n’a pu assumer. Il reproduit aussi ce que les Goncourt avaient entrepris dans "Germinie Lacerteux", en disséquant la déchéance de leur bonne, Rose, personnage sulfureux et mystérieux dont les deux frères, au regard pourtant aiguisé et alors que tout se passait sous leur toit, n’avaient rien perçu des turpitudes. Ce faisant, dans "Les vieux garçons", Sulzer agit comme un mineur de l’âme : il s’aventure dans les tréfonds humains afin d’en extraire l’essence la plus toxique.
mai, 2022
14.50 x 22.50 cm
224 pages
ISBN : 978-2-330-16624-3
Prix indicatif : 22.20€
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Alain Claude Sulzer compte parmi les plus grands noms de la littérature européenne contemporaine.
C’est avec une méticuleuse attention, avec, si l’on ose l’oxymore, une empathie cruelle qu’Alain Claude Sulzer va suivre, jour après jour, minute après minute, quasiment, lors de l’agonie, ce qui constitue avant tout l’éloignement fatal, la séparation désespérante entre ces « vieux garçons » qui furent, leur vie durant, des frères aimants et complices, une sorte de couple idéal, dans la vie quotidienne comme dans la création artistique.
C’est à travers Rose, entrée au service de leur mère en 1837, puis au leur, que les fait revivre ce livre très vivant et d'une écriture tout à fait plaisante. Ils s'attachèrent à elle jusqu'à sa mort, au point d'en faire l'héroïne de leur roman, Germine Lacerteux.
2022 marque le bicentenaire de la naissance du frère aîné, Edmond de Goncourt. L'occasion d'en savoir davantage sur la vie de ces deux figures importantes et reconnues dans le paysage littéraire français.
Variation fictionnelle, romanesque et naturaliste du Journal des frères Goncourt, Les vieux garçons suit leurs vies intimes, leurs parcours d'auteurs, dissèque leurs œuvres, la relation qu'ils entretiennent ensemble et avec celle qui les a élevés, leur nourrice Rose, personnage sulfureux et mystérieux qui n'est pas celle qu'ils pensaient connaître.
Les dernières pages arrachent les larmes. Alain Claude Sulzer érige un unique et magnifique tombeau littéraire aux deux frères.
Ce roman cruel visite les tréfonds de l'âme humaine avec délectation sans jamais céder à la facilité. Et surtout, en se penchant avec bienveillance sur ses personnages, il redonne aux deux frères liés par le serment de ne jamais se marier pour rester ensemble une épaisseur historique et littéraire.
Si Alain Claude Sulzer, auteur suisse de romans intimistes, réservés, presque introvertis, a choisi de raconter le destin des deux frères, aussi prolixes que monomaniaques, c’est peut-être parce qu’il est un peu Goncourt lui-même. Il signe ici son plus beau livre.
Ce livre interpellera assurément les amateurs d’histoire littéraire. Qu’en auraient pensé les intéressés, eux qui avaient la dent si dure avec la production de leur temps ?
Une œuvre oubliée, un nom réduit à un prix... La dernière pierre du destin cruel des Goncourt. Nourri par leur Journal, le roman d’Alain Claude Sulzer, sensible et remarquablement écrit, leur offre la lumière, le temps d’une passionnante lecture.
Ce récit sensible, évoquant les dernières années de vie commune de ces deux piliers du monde littéraire parisien du XIXe siècle, méritait de franchir les Alpes. . C’est l’éditrice Jacqueline Chambon elle-même qui a transcrit ces Vieux Garçons dans la langue... des Goncourt, avec beaucoup de délicatesse.