Les pays de l’Est de l’Europe fascinent et intriguent. Et c’est précisément ces sensations, fortes et ambiguës, que Stasiuk, grand écrivain voyageur polonais, est parti chercher en Sibérie, en Mongolie, en Chine, au Kirghizstan…
Espaces immenses, terres arides, paysages inchangés depuis des siècles – Stasiuk nous immerge et nous fait partager dans ce récit sa vision de l’Est. Pour lui, l’Est, c’est aussi les con?ns de la Pologne, la rivière Bug, le village où sont nés ses parents, les vacances chez sa grand-mère qui voyait des esprits… C’est l’électri?cation massive de la campagne, l’exode des paysans vers la ville, l’industrialisation à outrance, le rêve brisé du communisme, le déracinement… Et aussi la Shoah, les déportations des minorités, les déplacements de populations.
Voyage dans le passé, L’Est s’interroge également sur l’avenir. Stasiuk se lance dans une critique féroce du consumérisme, et les pages consacrées à la Chine sont d’une drôlerie salvatrice.
octobre, 2017
11.50 x 21.70 cm
320 pages
ISBN : 978-2-330-08227-7
Prix indicatif : 22.80€
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L'arpenteur écrit comme il vit : au plus près du réel. Plutôt Murghab, le grand nulle part, que l'ostentation de Boukhara et Samarcande. Parfois même sa pensée se glisse dans les absences du réel. « Lire dans les traces. Par esprit de contradiction. Malgré l'anéantissement. C'est tout ce que l'on peut faire. » Et offrir un beau voyage, lointain et intime.
Comme dans tous ses livres où Stasiuk voyage, l’itinéraire de L’Est suit les méandres fantaisistes de la mémoire.
Le plus émouvant dans cette oeuvre qui, nous l'espérons, n'est pas pour autant testamentaire, est que Stasiuk ne cesse, en même temps qu’il va plus loin vers I’Est, de revenir vers le centre, son centre sa mère, la maison de sa mère et I’enfance qui y demeure accolée, enracinée.
L’Est est une étape de plus dans le voyage qu’accomplit depuis près de vingt ans Stasiuk. On l’a rencontré dans les Beskides, à la frontière slovaque, pour Dukla, on l’a suivi à l’est de Cracovie avec Les contes de Galicie, on a traversé l’Europe centrale avec La route de Babadag et on a voyagé dans les Carpates en lisant Taksim. Ces quelques titres rappelés pour dire l’obsession de l’écrivain, et les délices du lecteur. « J’ai toujours eu un faible pour les lieux qui ne mènent nulle part, dont on ne peut revenir. » Si ces lieux sont sans issue, ils ne sont pas sans passé.
Soumise à répétition à des déplacements de frontières, la Pologne fut qualifiée de « pays sur roulettes » par les historiens, et dans tous ses livres, Andrzej Stasiuk se déplace avec aisance comme perché lui aussi sur des roulettes. Il arpente ces terres en avançant toujours plus à l'est et au détours de son trajet, lâche des informations sur sa famille. Faisant escale chez sa mère qui le presse de se tourner vers l'Ouest comme si c'était l'Eldorado, Stasiuk lui rappelle que l'Est et l'Ouest font match nul : de l'Ouest sont arrivés les nazis et de l'Est les soldats soviétiques. Ce que sa mère répond à cela, nous ne le savons pas puisque Stasiuk, attentif aux sensations, aux odeurs, aux sons, transcrit seulement le frottement des chaussons de la vieille femme sur le sol : « Chouuu, chouuu ».
Si l’Est fascine, il fait peur aussi. Autant de ressenti que l’auteur appréhende. Sensations fortes pour auteur engagé. Dire quoi qu’il en coûte. Rapports politiques, mentaux, culturels. De la Sibérie à la Mongolie. En Chine. Au Kirghizistan… Voyages dans le temps suspendu. Etudes à l’ancienne. Scrutant la mémoire des Hommes. Les racines des peuples. Le camarade Stasiuk n’omet rien. Et garde son humour ravageur : les pages consacrées à la Chine sont d’une drôlerie salvatrice.
Le long de la riviere Bong, dans les steppes de l'est de la Pologne, sur la route qui traverse le désert d'Aralkum, Andrzej Stasiuk voyage et se souvient. II se rappelle son enfance, mais aussi, au-delà du récit autobiographique, il fart renaître les histoires des anciens, la vie paysanne et le temps du communisme. Des images vivantes où passé et présent se mêlent, un voyage de remémoration aussi par l'écriture.
Dans la grande tradition de la littérature de reportage polonaise, mais aussi en disciple de Kerouac et de Pearl Buck, le romancier Andrzej Stasiuk est allé à la rencontre de « son » Est à lui, au-delà du fleuve Bug qui sépare la Pologne de l'URSS, où sa famille vivait dans sa jeunesse, pour aboutir en Chine. Son périple, relaté en phrases brèves qui sont autant de jets d'acides, cherchait à tourner le dos à l'Occident et à explorer sans complaisance la mémoire du communisme.