En février 1974, Patricia Hearst, petite-fille du célèbre magnat de la presse William Randolph Hearst, est enlevée contre rançon par un groupuscule révolutionnaire dont elle ne tarde pas à épouser la cause, à la stupéfaction générale de l’establishment qui s’empresse de conclure au lavage de cerveau.
Professeure invitée pour un an dans une petite ville des Landes, l’Américaine Gene Neveva se voit chargée de rédiger un rapport pour l’avocat de Patricia Hearst, dont le procès doit bientôt s’ouvrir à San Francisco. Un volumineux dossier sur l’affaire a été confié à Gene. Pour le dépouiller, elle s’assure la collaboration d’une étudiante, la timide Violaine, qui a exactement le même âge que l’accusée et pressent que Patricia n’est pas vraiment la victime manipulée que décrivent ses avocats...
Avec ce roman incandescent sur la rencontre décisive de trois femmes “kidnappées” par la résonance d’un événement mémorable, Lola Lafon s’empare d’une icône paradoxale de la “story” américaine pour tenter de saisir ce point de chavirement où l’on tourne le dos à ses origines. Servi par une écriture incisive, Mercy, Mary, Patty s’attache à l’instant du choix radical et aux procès au parfum d’exorcisme qu’on fait subir à celles qui désertent la route pour la rocaille.
"FAIRE UN PAS DE CÔTÉ et laisser à l’actualité ses conclusions, s’en remettre à la fiction, aux lignes droites préférer le motif du pointillé, ces traces laissées par Mercy Short, Mary Jamison et Patricia Hearst que je découvre lors d’une résidence à Smith College, Massachusetts.
Elles ont dix-sept ans en 1690, quinze ans en 1753 et dix-neuf ans en 1974. Leur point commun : elles choisissent de fausser compa-gnie au futur étroit qu’on leur concoctait et désertent leur identité pour en embrasser une nouvelle, celle des « ennemis de la civilisation » de leur époque, les Natifs américains pour les deux premières, un groupuscule révolutionnaire pour la troisième.
La rencontre est au centre de Mercy, Mary, Patty, la mienne et celle de mes personnages, Violaine et Gene Neveva, avec celle qui, en 1975, tourna brièvement le dos au capitalisme pour se rallier à la cause de ses ravisseurs marxistes : Patricia Hearst.
Sa voix rythme le récit, défait les territoires idéologiques et dévoile l’envers de l’Amérique, elle porte en elle une question qui se transmet de personnage en personnage, question-virus qui se transforme en fonction du corps qui l’accueille : que menacent-elles, ces converties, pour qu’on leur envoie polices, armées, prêtres et psychiatres, quelle contagion craint-on ?
Patricia Hearst met à mal toute possibilité de narration omnisciente, à son épopée ne conviennent que des narrations multiples.
Si mon précédent roman interrogeait la façon dont les systèmes politiques s’affairent autour des corps de jeunes filles, Mercy, Mary, Patty s’attache à l’instant du chavirement, du choix radical et aux procès qu’on fait subir à celles qui désertent la route pour la rocaille, des procès similaires sur trois siècles, au parfum d’exorcisme. Mercy, Mary, Patty est semé du sable des Landes où se déroule le récit, ses grains minuscules enrayent la fiction d’un monde « civilisé » auquel on se devrait de prêter allégeance.’’
L. L.
août, 2017
11.50 x 21.70 cm
240 pages
ISBN : 978-2-330-08178-2
Prix indicatif : 19.80€
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C’est la force de Lola Lafon : elle n’est jamais là où on l’attend, elle ne délave jamais les teintes de la société.
Elle ouvre l’horizon, tend les miroirs. L’opacité des êtres l’intéresse, l’absolu des idées l’intéresse.
La romancière creuse les zones floues, grises, mystérieuses.
Patricia Hearst n’existe pas. Elle est la rencontre d’un rêve et d’une réalité entre lesquels se glisse l’imagination au scalpel de Lola Lafon.
Lola Lafon célèbre la liberté fichée au cœur du danger. Elle retrouve les visages nus fermés comme des poings et les destins incandescents brûlant comme des lumières noires.
Parmi les livres incontournables de l'année, il y aurait très certainement celui de Lola Lafon, publié par Actes Sud à la rentrée dernière. Un bijou à la fois romanesque et documentaire questionnant ces femmes qui choisissent de rester libres, de quitter la route pour la rocaille en refusant les pistes toutes tracées, embrassant les voies de traverse qui s'offrent à elles.
Si les frontières du juste, du bon, du vrai sont sans cesse questionnées, il est écrit noir sur blanc dans ce livre que "la neutralité n'existe pas".
Mercy, Mary, Patty est un roman passionnant qui décortique un fait divers pour mieux interroger nos modes de pensée et nos sociétés.
Un roman inoubliable.
Jeu de miroirs troublant, maelström dans lequel s'unissent des destins que rien ne semblait devoir rapprocher, Mercy, Mary, Patty, que l'on peut placer dans la lignée des romans initiatiques du XVIIIe siècle, pose sur l'histoire des États-Unis un regard aiguisé.
Quand on referme votre roman, on a fait un voyage dans la contre-culture américaine à travers l’éveil de conscience d’une petite assistante, à travers la colère d’une prof qui voudrait changer le monde, à travers tous ceux que l’affaire Patricia Hearst a touché et transformé plus que l’affaire elle-même.
Mercy, Mary, Patty est le roman le plus explicitement engagé de la rentrée.
Lola Lafon explore le rejet de ses origines et les mécanismes de la radicalisation. Actuel et flippant.
Lavage de cerveau ou acte délibère . À partir de ce fait divers roman- ce, Lola Lafon pose la question du libre arbitre
On aime ce roman rock'n'roll sur l'aspiration à être soi-même, envers et contre tout
Le combat féministe de l'auteure est connu et assumé. Par ce livre, elle le sublime.
Le style est enlevé et haletant qui rappelle l'élémentaire évidence que la vie n'est jamais une matière froide.
Un roman littérairement et politiquement magistral
Interpellant son personnage principal, l'auteure insuffle à son texte un rythme qu'elle tient jusqu'à la dernière page. A la radicalité politique de Hearst répond celle de Lafon qui questionne, dénonce, nous force à regarder les archaïsmes et préjugés de notre société envers les femmes. Ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui.
De la danseuse qu’elle fut, Lola Lafon a gardé la démarche sur ressorts, une manière de se tenir spectaculairement droite, épaules basses et tête haute ; une façon d’occuper l’espace, avec intensité. Elle en a gardé, aussi, un savoir intime sur les liens entre la contrainte et la grâce, la douleur et la beauté (…).
Ce rapport à l’incertitude, aux vastes possibles, témoigne du goût de l’auteure pour les dispositifs qui mettent en scène un dialogue, une confrontation.
L’échange est au cœur de la méthode d’écriture de Lola Lafon.
Mercy Mary Patty est une histoire de jeunes filles farouchement déterminées. A quoi ? Elles l’ignorent, mais c’est la force de leur détermination que capte encore Lola Lafon, décrivant des processus de transformation et de transmissions non familiales dans ce roman riche des échos qu’il tisse et des incertitudes qu’il explore.
Elle réussit à mêler parfaitement la fiction et la précision documentaire.
L’idée principale c’est la force qu’il faut pour vivre sa propre vie.
On ne trouvera dans ce roman aucune thèse vérifiée, aucune résolution du mystère Patty Hearst, aucune vision romantique de la révolution, aucune forme de fascination pour les femmes en armes, mais des questions incarnées et ouvertes sur les déclics qui suscitent l’éveil d’une conscience critique, sur la transmission d’un esprit d’insoumission. A sa jeune assistante, Gene exhorte « Défiez-vous des histoires simples. » Ce beau personnage ambigu de passeuse de flambeau bouscule, dérange, provoque, encourage à penser large. Un conseil que Lola Lafon applique elle-même avec allure.
Lola Lafon s’intéresse, comme dans La Petite Communiste qui ne souriait jamais, au moment des métamorphoses, revirements et conversions. »
Comment écrire depuis ce point nodal, celui où se réunissent les contradictions, celui qui déploie l’ambiguïté ? Lola Lafon a choisi une narration polyphonique, mêlant voix et points de vue, refusant au lecteur le confort du jugement surplombant de l’auteur, un récit qui confronte plusieurs femmes, plusieurs corps et voix, mais aussi deux côtés d’un océan (les côtes américaines et les côtes landaises, si semblables, si lointaines), passé et présent.
Une histoire d’identité et de liberté.
Réflexions sur la violence, l’évasion, la famille.
Il ne s’agit pas d’adhérer ou non à une version de l’histoire, mais de se confronter sans cesse au monde. De s’embarquer, malgré le flou.
Nous avons beaucoup aimé ce livre.
Ce qui est formidable dans le roman c’est qu’on est à la fois passionnés par l’histoire Hearst et passionnés par ces deux femmes.