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La Vie aigre



Issu d’une enquête sur les conditions de travail des ouvriers toscans dans les années soixante, ce cauchemar orwellien fait la satire d’une Italie alors encore sous l’influence de l’endoctrinement fasciste, et d’intellectuels déchirés entre une politique gauchiste stérile et un néoréalisme esthétisant. Le livre-culte qui, devançant l’engagement de toute une génération, annonçait la vision révolutionnaire qui devait alimenter, à partir de 1968, les combats des groupes extrémistes.

Quand paraît ce roman, en 1962, l’Italie est en train de sortir d’une situation difficile qu’expliquent des vicissitudes politiques fort anciennes auxquelles sont venues s’ajouter plus de deux décennies de fascisme, une véritable guerre civile durant la Seconde Guerre et, à partir des années qui suivirent, la confiscation du pouvoir d’Etat par une classe sociale unique. Sans oublier en toile de fond la toute-puissance, sur les consciences, de l’Eglise catholique…
En 1962, le mot d’ordre « produire » commence à manifester ses effets et c’est dans cette atmosphère que Bianciardi écrit ce livre dont la prise de position littéraire devance l’engagement de toute une génération et annonce la vision révolutionnaire qui va alimenter, à partir de 1968, les combats des groupes extrémistes.
En bonne part autobiographique, La Vie aigre correspond, pour reprendre les termes même de son auteur dans l’ouvrage, au souhait de relater “une histoire banale et médiocre”. Dès lors, le récit se constitue comme une sorte de journal de vie mettant en œuvre un engagement militant dans le contexte collectif d’une mine, tout en évoquant la question de la survie personnelle au quotidien, l’objectif du narrateur – un intellectuel marginal qui a prit à cœur les conditions de travail dans les mines – se voulant bel et bien politique, à l’instar de ce que seront plus tard les interventions des Brigades rouges.
Le livre a en effet pour objectif de venger la mort de plusieurs dizaines de mineurs à la suite d’un coup de grisou provoqué par la gestion économique féroce de la direction d’une mine : le narrateur projette de détourner l’air chargé de grisou pour faire exploser la « grande tour » où siège la direction de la mine, objectif d’emblée peu réaliste, et de moins en moins réalisable, et qui reste toujours présent en arrière-plan d’un récit également nourri des tensions de la vie personnelle du protagoniste, écartelé entre deux femmes, Mara dont il a un fils et Anna, la bella ragazza rencontrée lors d’une manifestation contre la politique des Etats-Unis.
D’abord journaliste, le narrateur en est venu à se consacrer à la traduction et la matière même des romans et des essais sur lesquels il travaille envahit sa conscience de façon de plus en plus obsédante, au même titre que la hantise des fins de mois et de la maladie, ce marasme ne s’éclaircissant, çà et là, que grâce aux discussions entre les protagonistes où s’esquissent les thèmes qui seront ceux de la gauche extra-parlementaire d’après 1968 : la dénonciation des hypocrisies politiques et économiques, de la société de consommation, de l’aliénation des individus, de la civilisation de l’automobile, de la sélection, des conditions de travail des plus marginaux ; sans oublier la formulation de la revendication de l’assassinat politique.

Si, dans la sobriété de son écriture, La Vie aigre aura probablement autant compté, lors de sa parution, pour la lucidité et l’humanité de son néo-réalisme que pour ses composantes annonciatrices, on peuti

novembre, 2007
11.50 x 21.70 cm
256 pages

Béatrice ARNAL

ISBN : 978-2-7427-7149-3
Prix indicatif : 21.30€



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